Histoire par Mme. Simone Skolnik-Ariel
Mes parents n’ont pas trouvé de travail pendant les huit premiers mois. Je pense que tous ceux qui sont arrivés à cette époque n’ont pas eu la vie facile. Après avoir épuisé leur petit capital, mes parents ont essayé de vendre les quelques tissus et le matériel de broderie qu’ils avaient pu ramener de France. Et ils ont commencé à faire ce qu’ils faisaient en France, ” la chine “.
Mon père, qui brodait lui-même, ce qui était rare pour un homme, allait vendre sur le marché à la place de l’Ile, des broderies, des tissus, des dentelles, des choses que les femmes de l’époque, très coquettes, prisaient plus qu’aujourd’hui.
Si des dames lui demandaient un certain dessin, il pouvait composer lui-même. Mon père était peut-être le seul à vendre du tissu au mètre et ses dessins de broderie. Plus tard, trois ou quatre ans après, il tenait un petit magasin à la place (de) Bel-Air, qui s’appelait ” Au Paradis des Dames”
L’AMBIANCE
Je sais que certains dimanches, mon père allait jouer aux cartes, ou discuter avec des amis à la société qui s’appelait Bikour Holim , c’était une société de bienfaisance.
Autour de 1920, ma mère a tout de suite eu des réunions avec des dames d’ici, comme Mme Gérson ou Mme Sultani.
Parfois cela se passait chez ma mère. En été on allait prendre l’air, on était des dizaines, souvent au bord du lac, à la Gabiule, près de Corsier. Il y avait un restaurant où l’on pouvait emporter ses borekas, ainsi que d’autres spécialités séfarades, et même éplucher des concombres, à condition évidemment de prendre les boissons du restaurant. On pique-niquait beaucoup entre 1920-30, presque tous les dimanches. On faisait des réunions, on jouait, on chantait. Ma mère, qui avait appris beaucoup de poésies en Turquie – elle avait été à l’Alliance Israélite, elle savait bien le français et aimait bien réciter – voulait mettre un peu d’animation. Alors, elle faisait pour ces dames de petites parodies sur les fables de La Fontaine. Elle brodait, elle faisait des choses en rapport avec les dames d’ici. Et ces dames étaient contentes d’avoir quelqu’un qui les dirigeait un peu dans les divertissements.
– De la publication « Acuerdos » par Mme Ida Dery.